LA PLACE DE L’ÉGLISE

LA PLACE DE L’ÉGLISE

Certains lieux sont des concentrés d’histoire. C’est le cas à Ceaux, avec la place de l’Église. Longtemps unique lieu possible de rassemblement, elle garde le souvenir de nombreux moments de l’histoire civile et religieuse de la commune. Le plan cadastral de 1838 nous renvoie à la place d’autrefois, plus petite et encore intégrée dans le périmètre de l’ancien prieuré. Une rue, aujourd’hui absorbée par la place, et plusieurs maisons la séparent de la future rue du Stade. Deux d’entre elles seront achetées par la commune et détruites pour agrandir l’espace.

La place de l’Église
D’après AD 86 plan cadastral numérisé, 1838, section D feuille 9
et AD 86 O 54 5, plan accompagnant le projet d’agrandissement du cimetière, 1921

Entre les deux extraits de carte, La plupart des bâtiments qui bordent la place ont été détruits ou profondément modifiés. Leur histoire recoupe celle de la commune.

Des bâtiments témoins de l’histoire communale

L’église inaugurée en 1866 a remplacé l’église romane abattue par la tornade de 1863, sans modifier son impact au sol. Pendant des siècles, elle avait été au centre de la vie des habitants.

L’église romane

Même si elle a complètement disparu aujourd’hui, elle est encore bien présente en 1838, à l’emplacement exact de l’édifice actuel. Nous connaissons bien cette église, grâce à un historien du Loudunais, Antoine Ferdinand Arnault-Poirier, géomètre, professeur de mathématiques et passionné par le patrimoine. L’extrême précision de ses descriptions et de ses dessins a permis la reconstitution du bâtiment.

L’église romane retrouvée et sa  destruction par la tornade de 1863
D’après Antoine Ferdinand Arnault-Poirier, « Monuments de l’arrondissement de Loudun », MSAO, 1846, pp. 201/203

Deux bâtiments, très modifiés entre 1838 et 1921, ont joué un rôle important dans l’histoire de la commune pour avoir accueilli l’école et la mairie.

Les maisons Soreau et Piraudeau-Boyer

L’une et l’autre sont achetées par la commune, la première en deux temps, en 1840 et 1857, pour ouvrir l’école et installer la mairie, la seconde en 1887. Cette dernière maison,  reconstruite en 1876 par le précédent propriétaire, François Soreau, était grande. En 1892, la majeure partie est louée pour établir une auberge, avec projet d’aménager une salle de bal à l’emplacement d’un hangar et d’une partie de rue. Le maire réserve deux salles du rez-de-chaussée et un petit grenier pour accueillir plus dignement la mairie. À partir de 1914, on y installe la classe enfantine nouvellement créée.

Complètement transformée par plusieurs campagnes de démolition-reconstruction rendues obligatoire par leur vétusté, notamment entre 1842 et 1850, puis dans la première partie des années 1860, l’ancienne maison Piraudeau-Boyer conserve les classes primaires et le logement des instituteurs.

En 1954, au moment de la création d’une quatrième classe, installée dans la maison Soreau, le conseil municipal transfère la mairie au rez-de-chaussée inoccupé du bâtiment actuel dont l’étage est réservé au logement des instituteurs et les bâtiments du fond de cour aux classes.

La place actuelle et l’évolution de son environnement depuis 1921
D’après site france-cadastre.fr/cadastre/ceaux-en-loudun

En 1957, l’achèvement du groupe scolaire avec les maisons destinées aux instituteurs simplifie la situation. La mairie occupe la totalité du bâtiment actuel, restauré en 2018 et la maison Soreau redevient une maison particulière.

Souvenirs d’une place sans voitures, avec ses grands arbres intacts

La place porteuse de mémoire

La place elle-même est chargée de souvenirs. Sur son espace exigu de 1838 se tenaient les assemblées des habitants et les marchés dont les revenus appartenaient au prieuré. Évoqué dès 1093, on retrouve encore ce marché en 1824, lorsque « plusieurs marchands de toute espésse viennent tous les dimanches étaler leur marchandisse à la porte de cette église », « épissier, boulangé », vendeurs de mouchoirs, de légumes ou de fruits, détaillants de cochons et d’autres viandes. Devant la gêne occasionnée pour le passage des fidèles, la « fabrisse » de Ceaux, de ses propres deniers, le réinstalle dans la cour du presbytère.

La cave maçonnée, ouverte en 2002 puis refermée, est certainement l’un des derniers témoins de la présence du prieuré.

C’est probablement sur cette place qu’on implanta l’arbre de la Liberté coupé et emporté par une main hostile en 1797. C’est aussi logiquement sur cette place qu’on érigea le monument aux Morts dont les plans, commandés sans emblèmes religieux, furent adoptés par le conseil municipal le 9 juin 1921. Inauguré à la fin de la même année, il porte, gravée dans la pierre, la terrible liste de 45 noms de jeunes hommes ou d’hommes jeunes, incorporés, pour la majorité d’entre eux, dans l’infanterie, l’arme la plus exposée. Leur souvenir perdure grâce aux manifestations patriotiques annuelles.

Plus tard, agrandie, elle continue d’être le principal (et longtemps unique) pôle de rassemblement des habitants pour toutes les grandes manifestations religieuses ou profanes. Sa transformation en parc de stationnement, la construction de la salle des fêtes et la domestication de ses grands arbres lui ont cependant fait perdre une partie de son pouvoir d’attraction.

Commémoration du 11 novembre 2002 
Derrière les porteurs de drapeaux, les représentants du corps de sapeurs-pompiers qui a officié à Ceaux entre 1920 et 2015. 
En toile de fond, les marronniers d’Inde rudement taillés (en rideau) pour éviter la floraison donc les marrons. L’un d’eux  est classé  parmi les arbres remarquables de la Vienne.
Site arbres.observatoire-environnement.org

Principales sources et références :

– Pour l’agrandissement de la place : AD 86 4 E 53 593, 13 janvier 1865 et 595, 14 sept. 1865.

– Pour l’occupation de la place : AD 86 2 O 54 3, extrait des délibérations du conseil municipal, 25 janvier 1824. Voir aussi la partie Histoire.

– Pour les maisons Soreau et Piraudeau-Boyer : AD 86 2 O 54 4, 3 juin 1840, 9 février 1857, 7 octobre 1862 et 31 janvier 1864 – 4 E 53 709, 3 avril 1892 et 2 O 54 4, délibération du conseil municipal du 5 juillet 1914 (précise la date d’achat de la maison Soreau)

– Pour la place porteuse de mémoire : Les Arbres de la Liberté de la Vienne Robert Petit éditions Cle 89 –  AD 86 2 O 54 3, extrait des délibérations du Conseil municipal, 25 janvier 1824.