LES PUITS
Pourvoyeur d’eau pour tous les usages de la vie quotidienne et précieuse réserve en cas d’incendie, le puits est source de vie. Quelle que soit l’époque, les puits sont partout. En 1774, selon l’avis des habitants, il y en a « plus de vingt à vingt cinq » dans le bourg et leur présence est toujours mentionnée dans les descriptions de maisons qui accompagnent les baux, les achats, les visites.
Puits individuels et puits communs
Premier creusé, lors de la construction d’une ferme isolée, il peut survivre longtemps après la destruction des bâtiments de surface.
Dans les hameaux et villages, le puits individuel reste le privilège de quelques maisons, le plus souvent des demeures bourgeoises. Signe de modernité, certains propriétaires, comme les Tournois-Boiry qui ont fait construire la maison de maître de la route de Chinon, possèdent un « puits avec pompe » signalé dans la vente de 1891.
Dans le cas le plus fréquent, on a plutôt affaire à des puits communs (jamais publics), dont l’accès est attaché à deux ou trois maisons, exceptionnellement à tout un hameau, comme c’était le cas au Petit-Chaunay. Une délibération du conseil municipal du 26 mars 1933 évoque encore ce puits « servant à l’alimentation de toutes les personnes du village du Petit-Chaunay ».
Seules certaines maisons (donc leurs propriétaires successifs) bénéficiaient d’un droit de tirage (ou de puisage) à ces puits communs, hérité d’une lointaine entente pour leur construction ou d’un partage successoral. Même s’il paraît facile à exercer lorsque le puits se trouve le long d’un chemin ou sur un carrefour de village, ce droit pouvait engendrer des situations complexes.
En 1897, lorsque Charles Bourdon achète une maison à Chavagnes, il a droit de passage dans le couloir et dans la cour de son voisin « pour accéder au puits du carroi ». Situation inconfortable mais qui semble avoir perduré. Un précédent acte d’acquisition prévoyait de supprimer ce droit et de murer la porte du couloir si les deux propriétaires s’entendaient pour construire un puits dans un mur mitoyen, à frais communs. On était en 1867 !
Le puits situé dans un mur mitoyen ne résout pas tous les problèmes. En 1863, à La Jarrie, deux frères, Louis et François Blucheau, cohéritiers de la maison de leur père, décident de partager leurs lots respectifs par un mur qui traverse la cour. Seul Louis conserve la possibilité et le droit d’accès au puits ouvert dans un autre mur partagé avec un voisin, François Savatier. Si ce dernier refuse d’étendre ce droit à François, un autre puits devra être construit dans sa portion de cour, « à frais communs » entre les deux frères.
D’un intérêt vital, les puits représentaient un danger, surtout pour les enfants et les animaux. Pour l’un d’entre eux au moins, c’est sa localisation même qui a été contestée.
En 1774, dans le bourg, plusieurs voisins se liguent pour demander la suppression d’un puits situé « au milieu de la principale rue et sur le chemin qui vient de Richelieu pour aller à Loudun ». Aux yeux des habitants, ce puits imposant (environ 6 m sur 1,30 m avec sa margelle sur 0,50 cm de hauteur) « nuit au passage publique des voitures qui passent trais fréquemment par cette rue » et présente un réel danger, surtout pour les enfants. N’a-t-il pas récemment causé un accident qui a failli précipiter dans le puits la passagère d’une voiture et qui a coûté la vie à un cheval de l’attelage ? Malgré leurs protestations, les trois copropriétaires, dont « le nommé Lebeau », maréchal, seul présent sur le terrain, sont condamnés à combler le puits.
Ni les différents points d’eau, ni les puits ne garantissaient une eau de bonne qualité. Les eaux de surface pouvaient servir de déversoirs pour les déchets des fermes. Un bail de 1827, concernant La Briffaudière, évoque « le fossé du marais qui sert d’égout à la cour de la métairie ». À cause des infiltrations de toutes sortes, l’eau des puits n’était pas toujours épargnée par la pollution. En 1930, au cours d’un énième conflit entre le curé Maurice Gilloire et la municipalité, le prêtre refuse de quitter le presbytère pour aller occuper le logement réservé jusque-là aux instituteurs. Parmi les arguments avancés, il parle du puits « contaminé par les infiltrations des égouts et autres choses non moins sales, si bien que depuis 20 ans, l’instituteur va chercher en dehors de chez lui l’eau potable dont il a besoin et depuis huit ans on ne peut même plus s’en servir pour le lavage du linge ».
Cas extrêmes mais, d’une manière générale, on se méfiait de l’eau des puits pour la boisson. Pendant des siècles, on lui a préféré le vin, coupé d’eau ou non, jugé plus sain.
Dans les années 1970, avec la généralisation des adductions d’eau, on a délaissé les puits. Les plus prévoyants en ont condamné l’accès mais les ont maintenus en bon état. D’autres les ont utilisés comme dépotoirs pour tous les matériaux inutiles, les déjections humaines ou animales, voire les cadavres d’animaux.
À l’aube des années 2000, lorsque le problème de la pérennité de l’alimentation en eau a commencé à se poser, certains propriétaires ont fait marche arrière. Des puits ont été nettoyés, d’autres ont été creusés. Les puisatiers ont repris du service pour faire face à cette demande.